Le système de santé marocain : Une réforme en profondeur
La refonte du système de santé marocain est un pilier incontournable pour la réussite du chantier de la généralisation de la couverture médicale et de la protection sociale.L’appel Royal pour « Refondre en profondeur le système national de santé.
Il se caractérise par des inégalités criantes et une faible gestion »,a été lancé lors du discours royal du 30 juillet 2018, et rappelé à d’autres occasions, et devient aujourd’hui une urgence pour le succès du chantier encore plus vaste vers une justice sociale.
Indicateurs de santé : Des acquis à améliorer.
Un effort considérable sur le plan santé a été consenti par le Maroc avec des résultats probants. Néanmoins ses indicateurs sont au-dessous des attentes et des ambitions, et surtout au-dessous des performances que le Maroc pouvait connaître avec les moyens mis en œuvre malgré leur limitation.
La Maroc a amélioré l’état de santé de sa population, ainsi que ses indicateurs de santé sur plusieurs niveaux. Il a réduit, en l’espace de 15 ans (de 2003 à 2018), de plus de deux tiers la mortalité maternelle (de 227 pour 100.000 naissances vivantes à 72,6), a réduit de plus de moitié la mortalité des enfants de moins de 5 ans (de 47 pour 1000 naissances vivantes à 22 ‰), et a amélioré l’espérance de vie de ses citoyens de plus de six ans.
Un système de santé basé sur les soins primaires et la médecine de proximité:
Un système de santé non basé sur les soins primaires (Primary Care) consomme beaucoup de budgets, de ressources humaines, d’infrastructures, pour de faibles résultats. Il est urgent de recentrer notre système de santé, à l’instar des pays développés et autres moins développés, sur les soins primaires, la médecine de proximité, de première ligne, l’éducation et la prévention.
La médecine et la santé de proximité sont le pivot des systèmes de santé efficients et équitables, alliant la performance à l’efficience.
Voici les conclusions de quelques études :
« Les médecins de famille assurent une meilleure continuité des soins et sont associés à des taux d’hospitalisation plus faibles et de mortalité toutes causes confondues »
« Chaque praticien général additionnel par tranche de 10.000 habitants est associé à une diminution de la mortalité d’environ 6 % sur cette tranche»
« Les auteurs ont observé que plus le système a une forte orientation vers des soins primaires, plus les coûts de l’ensemble des services de soins de santé sont bas. »
« Les soins de santé primaires améliorent aussi l’équité des services de santé. Un système de santé fondé sur des soins de santé primaires soutenus serait donc plus équitable, plus efficace et plus efficient. »
L’amélioration des conditions matérielles des professionnels de santé dans le secteur public et de leurs conditions de travail.
La réforme de l’environnement sociojuridique de l’exercice médical libéral, de sa fiscalité, du conventionnement avec les caisses de maladie, pour rendre le secteur plus attractif.
Le secteur médical libéral est un secteur privé qui assure un service public, et il doit être traité en tant que tel, pour permettre au citoyen de jouir d’un droit garanti par la constitution : le droit à la santé .
Rendre le secteur de santé privé attractif :
*En plus des insuffisances en ressources humaines, le secteur de santé a besoin d’investissements pour mettre à niveau le volet hospitalier.
Le Maroc dispose d’environ 33.000 lits hospitaliers dont presque le tiers au privé. Ce ratio de moins d’un lit pour 1.000 habitants au Maroc est le double en Algérie et en Tunisie, presque 7 fois en France et 14 fois dans les pays les mieux lotis.
*Pour les professionnels, pour l’investissement national ou étranger, le secteur a besoin d’une mise à niveau.
*Révision du mode du conventionnement et de la Tarification Nationale de Référence TNR, qui revient à la convention de 2006, et qui devrait être révisée tous les 3 ans.
*Révision de la nomenclature des actes, de la responsabilité médicale, l’informatisation du système de santé, les incitations pour médicaliser les déserts médicaux.
Investissement dans la santé et les nouvelles technologies : les Health Tech.
*Le secteur de santé est prometteur pour l’investissement. Au Maroc il y a un déficit à combler, la généralisation de l’assurance maladie qui va générer plus de demandes de soins, croissance démographique, le vieillissement de la population et la demande de plus en plus forte sur le bien-être.
*Les secteurs de l’investissement national et étranger en matière de santé :
-Secteur des services de soins (hospitalisation, bien être, biologie, radiologie …)
-Industrie pharmaceutique
-Matériel médical
-Les nouvelles technologies de santé, Health Tech, dont :
*Med Tech : Outils de diagnostic et de traitement.
*Bio Tech : Bio médicaments et autres.
*E-santé : Digitalisation, télémédecine, robotisation ….
Les nouvelles technologies (exemple de la Télémédecine) comme voie de démocratisation de l’accès aux soins de qualité, tout en réduisant les coûts et en assurant la qualité de vie. Plus on s’engage tôt et fort dans la voie des nouvelles technologies, plus ces technologies assureront équité et efficience au lieu de l’élitisme et les disparités.
Couverture socio-médicale : un handicap structurel.
*Couverture médicale et assurance maladie : insuffisance, non efficience et éparpillement, handicapent l’accès aux soins.
*Le système de santé est appelé actuellement, et de plus en plus dans l’avenir (avec la généralisation de la couverture médicale), à répondre à une demande croissante de soins en prévention et soins de qualité.
*Plus de 50% des dépenses de santé supportées directement par les ménages
*Pour les assurés eux-mêmes : de 30 à 50% de reste à charge, pourcentage qui s’aggrave d’année en année au lieu de se rétrécir. Les salaires bas malgré leurs cotisations ne peuvent accéder aux soins.
*Optimiser les dépenses de l’AMO : Révision de la tarification de référence, de la nomenclature des actes professionnels, les protocoles thérapeutiques et le référentiel des professionnels de santé.
*Généralisation de l’Assurance Maladie : santé, développement et paix sociale.
Assurer un accès équitable aux soins, préparer la riposte aux défis de la transition démographique et épidémiologique.
Par Dr Tayeb Hamdi est Vice-président de la Fédération Nationale de la Santé FNS, Président du Syndicat National de Médecine Générale SNMG. Médecin, chercheur en Politiques et Systèmes de Santé.
Source : Médias24